Des blessés partout, gisant sur des brancards couverts de sang. Des morts qu'on emballait à la hâte dans des sacs mortuaires. Une odeur de chairs brûlées, ainsi que la poisse emportée par l'épaisse fumée, qui se collait aux vêtements et à la peau.
Voilà tout ce qui s'offrait à Hieronymus. Les transports de troupe les avaient laissé devant l'entrée de la station de métro, et c'était tout ce qu'il pouvait voir remonter des profondeurs de la terre.
C'était le premier déploiement opérationnel du peloton d'Eidôlon, il s'agissait d'agir méthodiquement et de ne pas faire d'erreur.
"Première escouade, vous restez en place à la sortie et filtrez ceux qui sortent. Arrêtez tous ceux que vous suspecter de pouvoir appartenir à une milice rebelle. Deuxième escouade, séparez-vous et fouillez les recoins. Je veux savoir s'il y a d'autres sorties. Récupérez-moi aussi les bandes vidéos auprès de la centrale de surveillance. Troisième et quatrième escouades, avec moi, on accompagne l'expert jusqu'à l'épave."
Les quarante-quatre hommes se mirent en mouvement aux ordres de leur chef, et c'est au pas de course qu'ils descendirent avec l'expert-technicien impérial. En bas, les pompiers luttaient avec les flammes tandis que quelques civils se rassemblaient dans un coin, bloqué par un éboulement. La moitié de la sous-station avait été emporté par le métro, dans sa course folle.
"Troisième escouade, avec l'expert. Dites-moi ce qu'il s'est passé, rapidement. On doit savoir s'il y a encore des rebelles dans la zone. Quatrième escouade, avec moi, on va interroger ces civils."
Les sept jeunes hommes et femmes accueillirent avec joie l'arrivée des soldats de l'Empire.
"Aidez-nous ! On est bloqué ! On veut juste rentrer chez nous !" Pleura une jeune demoiselle d'à peine vingt années standards. Son petit ami à peine plus âgé la tenait nerveusement dans ses bras en tentant de la rassurer.
"Vous avez vu ce qu'il s'est passé, ici ?" commença Hieronymus. "Des gens s'enfuirent avant même que le métro ne déraille ? Des individus armés ? Quelque chose de suspect ?"
C'est un autre homme qui prit la parole. "On a rien vu de tout ça ! Laissez-nous sortir, par pitié ! Enlevez ces gravats ! La fumée va nous faire étouffer !"
L'homme toussa violemment comme pour confirmer ses propos. Avec son masque filtrant, Hieronymus n'avait même pas pensé que la fumée pouvait être toxique. Mais ces civils semblaient bien mal en point.
"Quatrième escouade, sortez-les de là. A vous onze, vous devriez pouvoir réussir à soulever ces pierres, non ?".
Le sergent ne répondit par l'affirmatif que d'un signe de tête, et déploya de quelques gestes du bras ses hommes afin de secourir les citoyens. Eidôlon en profita pour établir une liaison par commlink.
"Première escouade, du nouveau ?"
"Négatif, chef. Uniquement des citoyens modèles. Et énormément de corps défigurés à un tel point qu'on ne pourra jamais les reconnaitre."
"Bien reçu. Deuxième escouade, vous avez quelque chose ?"
"Toutes les issues secondaires sont verrouillées, personne n'est sorti par là. On a commencé à éplucher les vidéos, mais il semble que nos rebelles n'y soient pas."
"Saleté... Troisième escouade, une preuve que c'est un attentat ?"
"C'est à dire que... Monsieur, vous devriez venir voir vous-même."
Laissant la quatrième escouade à ses travaux, Hieronymus vint rejoindre l'expert à l'intérieur des décombres encore fumantes de la cabine.
"Ce n'est pas un attentat."
"Vous... C'est un diagnostic rapide."
"Nous ne sommes plus à l'âge de pierre. Nous nous connectons, et nous savons. Ce qu'il s'est passé, c'est un léger soucis technique, aggravé par une erreur humaine. Un accident malencontreux."
"Donc pas de milice en vue. Mon peloton est juste venu compter les morts."
"C'est une façon de voir les choses."
"Je vois. Oui, je vois très bien."
"Autre chose, Monsieur ?"
"Dans votre rapport, vous indiquerez que l'incident technique a été du à du sabotage, et le pilote n'a pas pu récupérer les commandes à temps. Fort heureusement, les rebelles ont pu être rattrapés -grâce aux informations que vous, l'expert, nous avez fournis-, et ont été promptement exécutés, pour la gloire de notre Empire éternel. Nous nous sommes compris ?"
"Je... Nous nous sommes compris, Monsieur."
Eidôlon ne comptait pas laisser cette première mission se terminer sur une note négative. Il se dirigea vers la quatrième escouade, qui venait de récupérer les civils. Ceux-ci pleuraient de joie en se réconfortant les uns les autres.
"Quatrième escouade, alignez-moi ces rebelles sur le mur. Exécution sommaire."
Les citoyens ne dirent plus un mot. Ils restèrent là, abasourdis, tandis que les soldats les emmenaient. Certains tentèrent de se débattre, d'autre de raisonner les soldats, d'autres les menacèrent ou fondirent en larmes.
"Vous ne pouvez pas faire ça ! Je demande un avocat ! Vous n'avez pas le dr..."
Une pétarade retentit, puis se fut le silence, avec seulement le ballet des droides-pompiers qui continua. Il n'y avait eu aucun témoin.
"Une opération rondement menée, escouades. Brûlez les papiers d'identités qu'ils avaient sur eux, ça passera mieux auprès du grand public si jamais on dit qu'ils étaient en situation irrégulière. Et bien sûr, évitez de parler de ça aux autres. Seul les gars au-dessus dans la hiérarchie seront au courant, via un rapport confidentiel."
Le Lieutenant commença à rassembler ses hommes après avoir récupéré les corps des "rebelles".
"Commandement, ici le Lieutenant Eidôlon. Mission accomplie. Les rebelles qui avaient organisé l'attentat ont été capturé et exécutés. Une bande d'amis apparemment en situation irrégulière. Ils n'appartenaient pas à une milice à plus grande échelle, d'après les premières analyses. Tout sera dit dans le compte-rendu détaillé."
Hieronymus changea ensuite le canal pour parler à son peloton.
"Les gars, je sais que vous avez peut-être des doutes, mais c'est comme ça qu'on fonctionne. Que JE fonctionne. Si vous avez un problème avec ça, venez me voir, et on vous fera transférer dans une autre unité. Mais si vous êtes ici, après avoir entendu les rumeurs à mon sujet, je suppose que ce n'est pas ce petit incident qui va vous poser soucis. Rentrez tranquillement, et nous fêterons dignement cette première mission à la caserne. La première tournée est pour moi !"
Il ne s'attendait pas à ce que les hommes trépignent de joie, mais si il pouvait éviter qu'un idéaliste à la noix lui tire dans le dos à la prochaine opération, cela n'en serait que mieux. Il n'avait pas eu le temps de faire connaissance avec ses hommes, mais il allait devoir soigneusement sélectionner ceux servant sous ses ordres, à présent.
Les quatre escouade, embarquant les corps des rebelles dans des sacs mortuaires, remontèrent pour sortir du métro, afin de rejoindre chacune leur transport de troupe et se remettre en route vers la caserne, laissant à la place à d'autres unités de maintien de l'ordre qui allaient désormais prendre le relais. Personne ne prononçait un mot, et le silence pesait lourdement sur le peloton alors qu'il remontait lentement les marches vers la surface.
Sujet: Attentat à la station de métro ? 
Lun 9 Aoû - 22:32